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[Les temps sont durs pour les non-essentiel-le-s]

Aujourd'hui nous "fêtons" l'anniversaire du premier confinement. Une date qui ramène à ce lundi où il a fallu en toute hâte décider où délocaliser mon atelier, venir chercher mon matériel, dire au revoir aux collègues, fermer la boutique pour une durée indéterminée... Dans cette situation d'urgence, des solidarités se sont mises en place, on prenait conscience du rôle de chacun et chacune, des invisibles, des premières lignes. De mon côté j'ai cousu des centaines de masques, d'abord gratuitement pour les soignant-e-s et les voisin-e-s, puis j'en ai vendu pour répondre à une demande croissante et assurer aussi mes arrières.

Puis la vie avait repris au début de l'été, même si tout restait bancal et flou. La boutique a rouvert le 11 mai avec bonheur et vous étiez au rendez-vous pour nous soutenir et prendre de nos nouvelles, vous qui nous connaissiez bien, ou qui nous aviez découvert pendant l'heure quotidienne de sortie autorisée. Merci pour ça <3 A ce moment là nous nous sentions présentes, reconnues, à notre place.

Et puis non. Nous ne sommes pas essentielles. On avait pourtant finit par y croire.

Alors on s'adapte. On a une formidable capacité d'acceptation et d’adaptation. On change les plannings, on communique, on se réorganise. Encore et toujours. Tout le temps.

Alors oui il y a des décisions qui ont dû être prises dans l'urgence il y a un an lorsque nous étions pris de court, débordés, abasourdis. Mais une année s'est écoulée. Et nous ne pouvons toujours compter sur aucune anticipation. Les ouvertures et fermetures de boutique sont annoncées à la va-vite, du jour au lendemain. Comme si. Comme si c'était facile. Comme si c'était évident. De tout prévoir et de tout dé-prévoir. Ce qui tient par exemple dans une phrase ''on a déplacé le Funky Market'' représente en fait des heures et des heures de travail dans le vide, non payées, et qui réveillent la nuit. Et encore plus de doutes, de discussions, de prises de décision dans un contexte flou. Il faut recontacter tout le monde, obtenir des réponses de la mairie qui en attend du gouvernement, décider des frais qu'on engage, évaluer les pertes si on le fait pour rien. Il faut tout réorganiser, espacer les stands, prévoir une entrée-sortie unique et se faire engueuler par les mécontent-e-s, comme si nous avions décidé de ces mesures. Et pourtant on l'a déplacé 4 fois l'année dernière. Et c'est bien sûr la même chose pour tous les marchés de créateurs, tous les ateliers, toutes les MJCs, tous les festivals, tous les théâtres, tous les restaurants, tous les bars, tous les lieux d'accueil du public... Alors si on a une formidable capacité d'acceptation et d’adaptation, on a aussi une rage qui monte en nous, un ras-le-bol de n'avoir d'autres choix que d'accepter, une saturation face aux décisions clairement inadaptées, incohérentes et dangereuses pour nos santés mentales.


Alors aujourd'hui, alors que les aides financières de 2020 n'arrivent toujours pas, que nos vies sont censées s'arrêter chaque jour à 18h, et que des rayons d'espoir naissent dans les théâtres occupées, j'ai envie de penser à la suite


J'ai envie que mon métier redevienne un métier de contact, d'échanges, de transmissions, humain et non virtuel

J'ai envie qu'on arrête de nous dire que des aides financières viendront, et qu'elles rattraperont tout

J'ai envie que les festivals se fassent debout, une bière à la main et le sourire jusqu'aux oreilles

J'ai envie que mes amies puissent se marier cet été et qu'elles puissent le faire entourées de leurs proches

J'ai envie de ne plus lire qu'un jeune s'est suicidé par absence d'objectifs, de confiance et d'espoir

J'ai envie d'une suite. Vite. Et si personne ne peut nous la promettre, on ira la chercher !

Lise


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